La traverse de Sarlat est un sillon dans la vieille ville que le XIXème siècle a découpé comme d’un coup de couteau du faubourg de l’Endrevie au nord à la Grande Rigaudie au sud. Cette rue de la république tracée sous le règne de Louis-Philipe et prolongée au sud par l’avenue du nabot Thiers, boucher des républicains de la Commune de Paris, avait pris ce matin l’espace d’un instant des airs de rue de république bananière. On a en effet pu y croiser, guidé par le maire de Sarlat, le nobliau de Peretti, tout un troupeau de forbans de l’U.M.P. en goguette se rendant du centre culturel Paul Eluard vers l’ancien évêché : tout un symbole. Parmi ceux-ci plastronnait, en chef de gang, l’ancien ministre des privatisations et du vol du patrimoine national de 1986 à 1988, ancien premier ministre en terre de chiraquie à l’issue du formidable mouvement social de novembre-décembre 1995, j’ai nommé Alain Juppé lui-même. La réélection de celui-ci au premier tour comme maire de Bordeaux après un exil consécutif à sa condamnation comme président d’un R.P.R. pris la main dans le sac à se remplir les poches de l’argent public est symptomatique de l’état de déliquescence de notre république.
Tout ceci nous ramène à l’actualité politique de la semaine qui s’est achevée. Après les élections internes P.S. de la semaine précédente, c’est le second étage de la fusée Sarkolène Ségozy qui a été mis en orbite jeudi. Le grand jeu est enfin prêt, les grandes lignes sont dessinées. Ségo et Sarko chassent ensemble sur les terres des phobies sécuritaires pour le plus grand profit d’un Le Pen en embuscade. Chacun va s’appuyer sur le spectre du 21 avril pour tenter d’imposer dans son camp un réflexe de vote utile en sa faveur, en espérant sans l’avouer se retrouver au second tour face à un Le Pen lui assurant par un réflexe républicain une élection haut la main. Brave pitbull que ce bon vieux Jean-Marie qui permet à des forces politiques décrédibilisées de s’assurer des victoires électorales avec des résultats dignes des bonnes vieilles démocraties populaires. Tout ça pour le plus grand profit de ces bonnes vieilles bourgeoisies qui ne voient plus, à aucun des moments forts de ce qui devrait être le jeu politique, leurs pouvoirs sans partage remis en cause.
C’est que cela fait longtemps que de jeu, le politique s’est transformé en farce. Et que de citoyens on s’évertue à nous transformer en dindons. Ce qui ne semble pas réussir trop mal, comme peut nous le rappeler croiser un Juppé tête haute dans la rue de la République de la capitale d’une vieille terre de croquants, qui sut en son temps porter haut et fort les valeurs citoyennes.
Espérons qu’à l’instar du 29 mai 2005, ces jeux que l’on dit courus d’avance ne nous réservent quelque bonne surprise. Mais nous devrions avoir l’occasion d’en reparler.