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Immigré sans papiers, mon frère

J’aurais pu naître n’importe où, je n’ai choisi ni l’heure, ni l’endroit.

Quand j’entends Hortefeux, ministre des expulsions et de l’indignité nationale annoncer que des quotas de « reconduites aux frontières » sont mis en place et que l’ensemble des forces de police et de gendarmerie du territoire sont mobilisées sur cet objectif prioritaire j’ai tout d’abord le sentiment d’une immense honte.

Honte car ces images d’arrestation d’enfants, de femmes et d’hommes par les forces de l’ordre me renvoient, même si je sais que les temps ont changé et que ça n’est pas la même chose, l’image d’autres « rafles » d’enfants, de femmes et d’hommes par les mêmes forces d’un « ordre » qui se disait alors nouveau. Honte, car je me dis que les leçons de l’histoire semblent ne servir à rien et qu’il suffit de remplacer le juif par l’arabe ou le noir ou le chinois sans papier pour obtenir le même résultat et trouver un bouc émissaire à tous les malheurs du « bon » peuple (le chômage, le déficit des régimes sociaux, la baisse du pouvoir d’achat…) pour que la haute bourgeoisie puisse continuer sans soucis à mettre la nation en coupe réglée et à se rouler dans le luxe le plus éhonté. Honte, car on sait où commence la politique du bouc émissaire, mais qu’on ne sait jamais à quels torrents d’abjections elle peut nous mener.

J’ai honte et je pense alors à tous ces jeunes rencontrés au cours de mes périples au Maroc et qui ne voyaient d’autre perspective d’avenir que tenter sa chance clandestin en Europe. On a souvent l’image de ces bateaux surchargés abandonnés à la folie des courants de Gibraltar mais imagine-t-on ce qu’il faut de courage et de désespoir pour tenter pareille aventure ?

Au-delà de la réalité tragique de ces naufragés africains, l’immigration illégale est d’abord et avant tout un formidable trafic humain avec ses filières, ses caïds, ses victimes et ses bénéficiaires. Pour 3000 euros on vend au Maroc un contrat de travail de 3 mois qui permet d’obtenir un visa d’autant à l’issue duquel il est possible de tenter sa chance. Imagine–on le profit que fait l’esclavagiste qui fait venir de la main d’oeuvre travailler dans ses vergers ou sur ses chantiers en lui faisant payer comme rêve une somme supérieure à celle qu’il lui versera pour le travail réalisé ?

Conscient que le gouvernement de Sarkozy et de l’UMP n’œuvre pas pour l’intérêt national mais pour les intérêts particuliers de la grande bourgeoisie, on est en droit de se demander alors ce que cache la politique de quotas du sinistre Hortefeux.

Le nombre de clandestins est par essence difficile à évaluer, le Bureau International du Travail l’estime à un minimum de 400 000. Le nombre de 25 000 expulsions ne peut sérieusement apparaître comme une volonté d’en finir avec l’immigration illégale. Tout d’abord parce qu’en imaginant que le flux d’immigrants se tarisse il faudrait un minimum de 16 ans pour renvoyer dans leur pays d’origine tous les clandestins, et ensuite parce qu’il faut être complètement naïf pour croire qu’on puisse stopper ces flux poussés par la misère sans réduire considérablement l’écart de richesse et de développement qui nous sépare des pays du sud. Ce dont on ne prend absolument pas le chemin.

Dès lors quel sens peut bien avoir la politique gouvernementale autre qu’augmenter la pression sur les sans-papiers afin de les faire vivre toujours plus dans la peur, de les précariser toujours davantage et d’aggraver leurs conditions d’exploitation pour le plus grand profit de ceux qui les emploient, mais aussi pour faire pression sur les conditions de travail et les revenus de l’ensemble des salariés. En les désignant comme boucs émissaires et victimes les plus fragiles de sa politique de destruction des libertés publiques, le gouvernement UMP de Sarkozy indique à l’ensemble de la population que le développement d’une solidarité active avec les immigrants illégaux est une question centrale dans la résistance qu’elle a à lui mener.

Le monde du travail a tout à perdre à se laisser diviser en tranches, et le slogan qui clos le manifeste du parti communiste de 1848 n’a rien perdu de sa brûlante actualité : « prolétaires de tous les pays unissez-vous ».

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