Le rhum a ceci de particulier que tant que tu danses, tu peux en boire, tout va bien, tout va très bien même. Ainsi en est-il allé de la soirée de clôture samedi du festival de Sallent avec une bande de Bayonnais(es) déjantés. Si un flou euphorique entoure les heures de bringue dans la discothèque géante qui nous a conduit aux premières lueurs de l’aube, je n’ai aucun souvenir du retour en France et il est remarquable que les clients de dimanche n’ont pas pris leurs jambes à leur cou en voyant arriver leur guide avec la gueule de déterré que j’ai du leur présenter après les 3 petites heures de sommeil qui n’avaient raisonnablement pas du suffire à évacuer la quantité impressionnante de Cuba libre que je m’étais enquillée dans la nuit. Mais le canyoning a ceci de magique qu’après une suée pour rejoindre le site, le premier bain dans l’eau glacée remet toujours les idées en place et les yeux en face des trous, au moins le temps que dure la descente.
Le contre coup a eu lieu hier à l’issue d’une longue descente du Bitet Inférieur, sous la forme d’une malencontreuse glissade à 50 m de la sortie du canyon. Alors que je prenais appui sur la main pour une courte désescalade, celle-ci a perdu son appui en glissant et je me suis retrouvé, tête en avant, pour un petit vol plané de 2 mètres abruptement arrété par le choc de mon front et de ma joue gauche sur un matelas en forme de bloc de granite. Je n’avais jamais reçu de choc aussi violent sur la tête et la chose étonnante fut le bruit métallique de l’impact dans mon crâne, alors que je croyais celui-ci plutôt fait de matière osseuse. Je me relevais immédiatement et pendant les quelques secondes durant lesquelles je luttais en titubant contre la perte de connaissance, j’ai eu le loisir d’observer avec ravissement un magnifique festival d’étoiles tourbillonnantes autour de ma tête digne des plus grands moments des dessins animés de Tex-Avery et de m’enthousiasmer une fois de plus sur la résistance de ma charpente osseuse. J’en suis quitte pour une jolie croûte sur le front et un léger point douloureux entre les omoplates, vraisemblablement lié à la secousse qui a du ébranler un peu ma colonne vertébrale. A défaut de mains expertes, j’attends avec impatience les petits massages que je vais pouvoir m’offrir cet après midi sous les cascades du canyon du jour.
A part cette mémorable gamelle, la journée d’hier a été marquée par les larmes du québécois à l’arrivée au plus profond de la gorge à l’issue du rappel de 35m qui, vu le regard perdu qu’il jetait sur l’abîme en s’y engageant, a marqué un des plus gros combat contre la peur de mourir qu’il a du avoir à mener au cours de son existence. Il s’en est fallu de peu qu’il m’embrasse dans le flot de remerciements dont il m’a inondé à mon arrivée dans les obscurs, ce qui m’aurait, je dois dire, un peu embarrassé, bien plus en tout cas que si c’était sa compagne qui s’était laissée aller à de telles effusions. J’étais sur le moment un peu surpris de son émotion dans laquelle il jetait pèle-mêle le décès récent de sa mère, l’amour pour sa copine et la reprise en septembre de ses études mais il est vrai, au final, qu’à chaque fois qu’on domine une peur on gagne un espace de liberté, la vraie, pas celle dont on voudrait nous faire croire qu’elle se mesure à la longueur de la chaîne.
Cela vaut bien quelques larmes sans doute…