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Une fabuleuse histoire

Le jugement fabulesque de Jean De La Fontaine qui s’en tire au final pas si mal que ça, contrairement à Crompano…

Pièce de théâtre créée pour le Carnaval 2018 de Sarlat-La Canéda et jouée le 10 mars à l’issue du défilé.


Pièce en un acte et deux scènes (ce qui est ma foi bien suffisant vu que l’on n’a pas tant de choses que ça à raconter)

Scène 1

Tous les personnages à l’exception de La Fontaine .sont présents sur scène à l’arrière plan derrière le chêne. La fourmi est cachée derrière une feuille de salade.

La cigale dort sous des cartons en grelottant. Le loup trébuche dessus et manque se casser la figure. 

Le Loup :

Holà du carton ! Qui donc sur mon chemin,
Étalé et tremblant, à mon pas fait obstacle ?
Serait-ce en un agneau un succulent gigot
Qui s’en irait céans apaiser ma fringale?

La Cigale :

Je dormais, grelottant, la mandibule triste,
Et ne vis de l’hiver que ma carcasse grise
Qui gelait en craquant bien frêle sous la glace,
Et je n’ai de l’agneau que le gel sous la peau
S’il n’avait fait d’Auckland le voyage en bateau
Pour s’en venir garnir de tristes congélos.

Le Loup :

Par mes dents tu me tentes et ta petite voix
Promet un doux fumet enchantant mes papilles…

La Cigale :

Pardonnez moi Messire et stoppons la méprise,
Il n’y a rien en moi alléchant vos babines…

La cigale se lève écartant son carton

Le Loup (dégouté s’adressant au public) :

Un insecte, fi donc, quelle sordide méprise.
Jamais on ne vit loup s’abaisser à croquer
Si vile nourriture : c’est un mets d’oisillon

Le corbeau arrive en voletant 

Le Corbeau :

Que venez vous de dire, est-ce donc mon fromage ?
Quel est donc ce miracle qui l’aurait fait jaser ?

Le Loup :

Quel animal stupide arrive en voletant ?

Il se retourne et voit le Corbeau

C’est bien un corvidé, il n’y a rien à croquer.
Le nigaud, c’est dommage, a perdu un fromage
Et pleure à qui l’écoute en se battant la coulpe
Accusant le Renard d’un forfait qui n’accable
Non pas l’opportuniste et habile cousin,
Mais sa propre bêtise et son bec maladroit.

Le Corbeau :

Un Renard, un fromage, quelle bien triste histoire !
Le voyou, ce vaurien, m’a bien embobiné
Et de mon déjeuner il s’est bien régalé.
Comment vais-je pouvoir enfin me sustenter
Un fromage, un fromage, il me faudrait du lait !

Pérette entre en scène agitant son pot au lait.

Pérette :

Ma cruche a du bon lait qui veut me l’acheter ?
Veaux, vaches, cochons, poulets : je vais bien me gaver,
Il suffit pour cela d’un pigeon à plumer !

Le Corbeau :

Un pigeon à plumer ? Un corbeau à choyer,
Car avec ce bon lait le phénix te ferait
Un délicieux fromage qu’on pourrait partager.

Pérette :

Partager, partager, quel mot laid tu nous fais.
D’un corbeau mal gaulé je n’ai rien à branler !

Le Corbeau :

Mal gaulé, mal gaulé ? Tu me fais rigoler
Tu vas voir que ton lait je vais m’en occuper !

Le corbeau se jette sur Pérette, une courte rixe. Le lait tombe.

Perette :

Adieu veaux, vaches, cochons, poulets !
Un malheur si complet je n’ai pas mérité,
Il y aura-t-il quelqu’un qui veut me consoler ?

Le loup s’approche, une cape rouge à la main

Le Loup :

Ma pauvre enfant perdue voici un chaperon.
Tu peux t’en revêtir et que j’aille quérir
Un grand pot de moutarde et quelques cornichons.,

Il se tourne et s’adresse au public :

Car de ce bel enfant que je m’en vais rôtir
En moins qu’en un instant je vais faire un gueuleton

Pérette, terrorisée, se cache pleurer derrière le chêne

Le Chêne :

Une femme épleurée, c’est là que j’entre en chêne
Veuillez me pardonner, c’est là que j’entre en scène
Je rêvais de Pérette, la voici à la peine.
Je ne suis pas de bois bien que je sois un chêne
Mon roseau est tendu, il faut que j’me déchaîne !

La tortue (ninja) entre sur scène, tenant le lièvre par les oreilles et un sabre à la main.

Le Loup :

Ma belle et douce enfant quel est ce beau civet
Qu’en ces lieux, avec moi, tu voudras partager ?

La Tortue :

Partager ? Partager ? Je vais te le laisser !
Le lièvre est triste mets, la course j’ai gagnée,
D’une belle salade je vais me délecter.

La tortue arrache une salade, la fourmi était cachée derrière. Elle avance en balayant et en chantonnant sur scène.

La cigale s’approche de la fourmi en grelottant 

La Cigale (chantant sur l’air de Musique de F. Gall) :

Fourmi
Si tu savais comment j ‘ai souffert
A passer l’hiver sous les cartons
Car tu te moquais de mes chansons
Dont tu disais qu’tu n’aimais pas l’air
Fourmi

La Fourmi (chantant sur l’air de Tenessee de J. Hallyday) :

On a tous quelque chose en nous de la fourmi
Et nous devons bosser pour gagner notre vie
Animaux innocents ont été mis en scène
Fabuliste du roi il conforte son règne
Toutes ces choses écrites par La Fontaine
Il déforme nos vies avec ses mots à lui

Scène 2

La Fontaine entre en scène en déambulant, il est en train de travailler une morale à la con.

La Fontaine :

La passion du raifort nous vient de la moutarde
La maison du condor n’est jamais dans les Alpes
Les pendaisons confort débutent dans des arbres
*La pression d’un beau cors est mauvais à… l’orteil

Tous les animaux en coeur se tournent vers La Fontaine :

Le voilà !

Le Chêne :

Par mes glands adorés, mais qui donc que voilà ?

Le Corbeau :

Tes glands n’y sont pour rien, c’est Jean de La Fontaine

Le Chêne :

Ma foi cela est vrai, c’n’est pas mon rejeton.

Le Loup :

Je vous en prie, amis, venons à nos moutons.
Cette Fontaine là nous prend pour des bouffons.
Il est là, à nos pieds, demandons lui justice

Les animaux  s’adressent à tour de rôle à la Fontaine en prenant à partie le public.

La Tortue :

Nourrie à la sucrine j’ai super bonne mine
Je suis une ninja et il m’a fait poussive.
Cet homme est un menteur il faudrait le punir

Le Loup :

La nature m’a fait, je suis un carnassier.
Pas plus que ce monsieur je suis un meurtrier.
D’un gigot bien rôti l’hypocrite conteur
Dans un festin garni aurait fait son bonheur.
Cet homme est un menteur il faudrait bien qu’il meure

Le Corbeau :

Parlons de mon fromage qu’un méchant discoureur,
D’un traitre babillage tout dépourvu d’honneur,
M’a volé sans vergogne profitant de l’aubaine
Que, perché sur mon arbre, je n’eus de disponible
Pas de main pour tenir alors que je jactais
Mon camembert coulant aux pieds de mon voleur.
Nul mot de compassion, il se gausse de moi,
Et du crime commis il fait l’apologie.
Cet homme est malhonnête, il faudrait qu’on le pende.

Le Chêne :

Je serais à l’entendre un végétaux lourdal,
Veuillez me pardonner un végétal lourdaud.
Il se moque de moi brisé sous des rafales
Mais de quoi sont donc faits les toits de leurs châteaux ?
Ces gens habitent-ils des huttes en roseaux ?
Et boiraient-il ensemble de bons vins sans tonneaux ?
Sans moi l’humanité en serait à Lascaux.
Cet homme est un menteur, il lui faut l’échafaud !

Pérette :

Dans un fossé rocheux il m’a fait trébucher.
Mes pots à laits brisés il m’a dite empotée.
Le chêne et son roseau ne me font pas rêver
Mais sans mes pots de laits je n’ai plus trop d’attraits,
Au bonheur des brebis et à mon grand malheur
Jamais ne trouverai de berger à aimer.
Cet homme et un goujat, il faudrait le castrer !

La Fourmi :

Je suis une ouvrière même pas syndiquée.
Pas de loi du travail, me voilà exploitée.
Je ne suis pas méchante mais bien conditionnée,
J’aime bien tes chansons et t’aurais bien gardée.
J’aime pas les frontières mais je ne peux t’aider
Car on va en prison pour solidarité.
Cet homme est un menteur, il faut l’écarteler !

La Cigale :

L’hiver était précoce, le port avait gelé :
Plus besoin de sardine pour en fermer l’entrée.
Durant plus de trois mois je me suis bien caillée,
Au prétexte mauvais que j’avais trop chanté
Quand j’aurais dû plutôt trimer pour épargner ?
Que fait donc ce monsieur d’autre que badiner ?
Ce libertin ventru, ce poète de cour,
Il m’aurait sacrifiée pour plaire à cette basse-cour
De favoris poudrés, de nobles enchainés.
Cette homme est un menteur, il faudrait le brûler

La Fontaine :

Ainsi vous m’accusez, vous voulez me brûler ?
Mais je n’y suis pour rien bien que vous m’accabliez !
Je suis un fabuliste, cela je vous l’accorde.
Mes morales hypocrites ont tout pour vous déplaire
Mais je n’y suis pour rien, il vous faudra me croire.
Je suis un misérable, une pauvre cigale
Que les puissants seigneurs écrasent dans leur poing
Et qu’ils forcent à écrire des mots pour les flatter
Et maintenir les gens dans du prêt à penser :
Que jamais les manants songent à se rebeller.
Le coupable se cache, il se prend pour un dieu
L’Olympe à l’Elysée, il faut le démasquer !

Les animaux (et Pérette) stupéfiés se tournent vers le Roi. La Fontaine en profite pour s’échapper en loucedé…

Le Roi (commence calme puis s’excite en criant crescendo) :

Mes sujets animaux mes bons concitoyens,
Vous êtes moins que rien, en croisant ceux qui gagnent
Ne soyez pas trop bêtes en restant dans la gare
Devenez des battants, des premiers de cordée
Et mettez vous en marche, construisons de vos mains
Des temples à nos banquiers, des odes à ma grandeur
Car je suis votre roi vous devez m’adorer !!!

Le chêne tombe

Le Chêne :

Cet homme est trop puissant, il m’a déraciné…

La Cigale :

Mais cet homme est un fou, il serait notre roi ?
Et nous allions punir un poète innocent ?
De ce tyran sans foi, nulle peine ne saurait
nous en débarrasser, mieux qu’un autodafé.

Les animaux (en chœur et en dansant) :

Au feu ! Au bûcher !…

La pièce finit par une ronde des animaux en musique autour du bûcher du Roi !

Morale (à la con) :

En beau pays de France les pires infamies
Finissent en chansons et par un bon rôti

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